Publié le 27 juillet 2020 Mis à jour le 27 juillet 2020

Elle fait venir la pluie, soulage les maux de dents, crée des conflits ou a un effet aphrodisiaque… La jusquiame, membre du trio magique des Solanacées utilisé par les sorcières, a fait l’objet de nombreux rituels, croyances mais aussi d’usages médicinaux.

 

Hyoscyamus niger
Hyoscyamus niger

 

Théophraste, Dioscoride, Pline… les médecins de l’Antiquité ne jurent que par elle : depuis cette époque, la jusquiame tient une place majeure dans la médecine. Puissant narcotique, elle était administrée aux patients avant une opération, accompagnée de pavot somnifère (Papaver somniferum) et d’autres plantes antiseptiques. Les bourreaux en proposaient également aux condamnés à mort. Réputée « froide », elle aidait aussi à soulager les inflammations en tout genre. Ainsi, ses graines furent utilisées sous forme de fumigation au Moyen-Âge pour soulager les dents douloureuses, celles-ci sont d’ailleurs encore prescrites au Maroc pour réaliser des gargarismes contre les maux de dents. À l’époque, on racontait que l’inhalation de la fumée des graines de jusquiame faisait tomber les « petits vers » qui rongeaient les dents. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agissait en réalité de l’intérieur de la graine qui s’échappait lorsque celle-ci était chauffée à haute température.


Un trio infernal… parfois fatal

La jusquiame a des effets similaires à certaines autres plantes de la famille des Solanacées riches en alcaloïdes - molécules aux effets psychotropes ou hallucinogènes - comme la belladone ou la mandragore. Ce trio infernal servait à confectionner les onguents de vol des sorcières qui, appliqués sur les muqueuses, donnaient une sensation d’envol. Concernant la jusquiame, ses propriétés hallucinogènes se révèlent à une dose proche de la dose létale. Ainsi, sa consommation n’est pas sans risque et peut entraîner un dérèglement du système nerveux parasympathique, qui contrôle notamment la respiration, la transpiration et le rythme cardiaque. Consommer de la jusquiame noire pouvait donc s’avérer fatal et Dioscoride, médecin de l’Antiquité, préconisait d’ailleurs d’utiliser la jusquiame blanche, Hyoscyamus albus, réputée moins dangereuse que la jusquiame noire, Hyoscyamus niger, accusée de provoquer la folie. Mais la jusquiame noire n’a pas d’infernal que son utilisation : sa naissance viendrait du vomissement ou de l’écume du chien Cerbère, gardien des Enfers, qui ne put supporter les rayons du soleil lorsqu’il fut sorti des Enfers par Hercule dans Les Métamorphoses d’Ovide.

 

 


Une cueillette ritualisée

Recherchée par les druides, « L’herbe au sommeil » était utilisée pour faire pleuvoir lors des périodes sèches. Autour de la cueillette de cette plante très utilisée s’est créé un rituel particulier : les femmes des druides choisissaient une jeune vierge pour trouver un plant de jusquiame. Lorsqu’elle l’avait trouvé, elle cueillait la plante à l’aide de son petit doigt, se rendait dans une rivière et plongeait la plante dans l’eau. Les autres femmes l’accompagnaient et secouaient des branches trempées dans la rivière sur le visage de la jeune fille. Après cette cérémonie consacrée à la cueillette de la jusquiame, la femme désignée devait rentrer à reculons jusqu’au village.


Une herbe sacrée

Les usages et les réputations de la jusquiame sont très diverses. En effet, dans certains cas ont dit que sa présence dans une pièce monte les personnes qui s’y trouvent les unes contre les autres, dans d’autres cas on raconte que, portée sur soi, elle est aphrodisiaque. Cependant, lorsqu’elle est consommée, ses effets peuvent devenir problématiques : la personne qui l’ingère peut avoir la sensation de sortir de son corps, d’être transformée en animal ou encore d’être victime d’autres hallucinations. Les prêtres, les prêtresses ainsi que les chamans s’en servaient d’ailleurs pour mettre dans un état de transe les novices, et même la Pythie de Delphes l’aurait utilisée pour induire ses transes divinatoires. D’ailleurs, des historiens ont pu retrouver eu Europe - notamment en Allemagne où il s’agissait d’une tradition - la trace d’une bière aromatisée avec des semences de jusquiame, la partie la plus toxique de la plante, dans le but de rendre les consommateurs euphoriques. Néanmoins, cette « bière magique » fut interdite en 1516.



Crédits images :

Image 1 : Jardin Botanique Henri Gaussen © SCECCP, UT3
Image 2 : Planche tirée de : GADECEAU Émile. Les Fleurs des moissons, des cultures, des bords des routes et des décombres (Plantes envahissantes), Paris : Paul Lechevalier, 1914